La révolution de Van

La révolution de Van est un passage essentiel pour comprendre le génocide Arménien. Le soulèvement des arméniens de Van, justifia la politique turque de déportation en masse des populations arméniennes en 1915.

La province de Van qui s'étend de l'extrême Nord-Est de l'Asie mineure, aux frontières perses à l'Est et bordée par le Caucase au Nord, est une des plus belles et prospères parties de l'Empire Turc. C'est également une région très riche de souvenirs historiques. Sa capitale, Van, s'étend sur les rives Est du lac du même nom. C'est une grande ville où la population arménienne est prédominante par rapport aux musulmans.

De par sa position, cette région a été impliquée dans les opérations militaires dés 1914. La population arménienne est apparue chaque jour plus suspecte et l'irritation des musulmans, qui sévissait depuis plus de 3O ans, n 'a fait que s'accroître. Les réquisitions militaires s'appliquaient plus aux chrétiens qu'aux musulmans. Il fallait accepter sinon les officiers turcs s'appropriaient leur bétail, leur blé et leurs biens. La colère passionnée des turcs a empiré quand leur armée a subi les premiers revers dans le Caucase. Ils accusaient un grand nombre d'Arméniens d'avoir rejoint l'armée du Tzar, facilitant ainsi la victoire russe par leur connaissance du terrain. Bien que ces faits ne soient pas confirmés, il semble que ces désertions n'aient pas dépassé une petite centaine de personnes. La sympathie des Arméniens pour l'Entente n'était pas un secret et un journaliste humoriste écrivait dans un journal turc : " Si vous voulez avoir des nouvelles de la guerre, vous n'avez qu'à regarder la tête d'un Arménien : s'il sourit, les alliés sont entrain de gagner, s'il a l'air abattu, les Allemands ont l'avantage ".

Pendant l'automne et l'hiver 1914 – 1915, l'église arménienne et les leaders politiques ont compris toutes les tactiques des Turcs. Ils ont demandé à la population de rester calme devant les insultes et les outrages pour ne pas donner aux Turcs les justifications qu'ils attendaient. " Il vaut mieux quelques destructions, au massacre d'une population entière ". Au début de la guerre le gouvernement a rappelé Tashin Pasha, le gouverneur conciliateur de Van et l'a remplacé par Djevdet Bey, un beau-frère de Enver Pasha. C'était déjà un signe effrayant quand on connaissait la personnalité fourbe et féroce de Djevdet Bey. Quand les massacres ont été planifiés, les fonctionnaires " peu fiables " ont été remplacés par des hommes " plus sûrs ". Au début, il était difficile à Djevdet d'agir car il était au front et l'approche de l'armée ennemie obligeait les Turcs à avoir une politique prudente., mais dés le printemps, les Turcs ont profité du recul temporaire de l'armée russe pour envahir la province de Van et tourner les armes contre le peuple arménien. Selon leurs habitudes, ils distribuaient les plus belles femmes aux musulmans, pillaient, brûlaient les villages et ont massacré pendant des jours et des jours. Le 15 avril 1915, environ 500 jeunes gens arméniens de Akantz furent rassemblés pour entendre soit-disant l'ordre du Sultan, mais au coucher du soleil, ils ont été emmenés hors de la ville et ont été tué de sang froid. Ce scénario s'est reproduit dans environ 80 villages arméniens de la région du nord du lac de Van. En 3 jours, 24 000 arméniens ont été massacrés de cette façon. Ceci n'est qu'un épisode illustrant la perversion des méthodes turques.

Djevdet Bey avait envoyé 4 leaders arméniens pour calmer un conflit à Shadak. Ces hommes ont fait le tour de tous les villages pour demander à la population de garder le calme, mais au retour de la mission ces quatre hommes ont été assassinés dans un village Kurde. Puis, il a voulu réquisitionner 4 000 soldats, mais après ce massacre les leaders arméniens ont soupçonné le gouverneur, fidèle aux ordres de Constantinople, de préparer le nettoyage de toute la population. Une fois tous les hommes robustes massacrés, les Arméniens restants auraient été sans défense. Les leaders ont commencé à parlementer et Djevdet Bey a parlé de " Rébellion " et de sa détermination pour écraser ce peuple à tout prix. Les Turcs ont alors construit des camps retranchés autour des quartiers arméniens. Pour parer à cette provocation, ceux-ci ont préparé leur défense. Les forces armées arméniennes, mal équipées se composaient de 1 500 hommes avec 300 fusils. Djevdet avait une armée de 5 000 hommes, bien armés. Le 20 avril, un incident déclencha l'offensive turque : des soldats turcs se sont jetés sur des femmes arméniennes qui entraient en ville. Un couple d'arméniens, accouru pour les secourir fut tué. Les combats furent incessants. Les Arméniens ont combattu avec le plus grand héroïsme, mais ils avaient peu de chance de retenir les turcs indéfiniment. Après 5 semaines de combats incessants, les Arméniens ont triomphé. Les Russes sont soudainement arrivés et les Turcs se sont retranchés dans les villages environnants, se vengeant en massacrant des villages arméniens non protégés. Les Russes ont recensé environ 55 000 corps.

En 1 mois, une des plus glorieuses pages de l'histoire moderne arménienne s'est écrite. La " Révolution de van " marque la première étape d'une tentative d'extermination de toute une nation . Officiellement, la révolution de Van a été qualifiée de trahison des Arméniens. Ces évènements mettent en évidence la justification que les Turques ont toujours trouvé pour leurs crimes. Cette fameuse révolution, montre plutôt la détermination d'un peuple pour sauver l'honneur de ses femmes, de ses propres vies après le massacre de milliers d'êtres humains perpétués par les Turcs, et son obstination à refuser le destin qui l'attendait.

D'aprés le chapitre 23 du livre "Ambassador Henri Morhenthau's Story"
Par Monique Kadeyan-Manileve