L’Arménie médiévale et moderne

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À la fin du VIème siècle, la Perse cède la majeure partie de l'Arménie à l'Empire byzantin qui en occupait déjà les provinces occidentales. Mais l'accord gréco-arménien est si fragile que les Arméniens préfèrent s'entendre avec une nouvelle puissance régionale. En 661, ils reconnaissent l'autorité politique des califes arabes, et l'Arménie se transforme alors en champ clos des affrontements arabo-byzantins. Entre 852 et 855, le pays est d'ailleurs complètement dévasté par les armées d'un général d'origine turque, Bougha Al-Kabir.
Mais une fois de plus l'Arménie va renaître de ses cendres. En 885, Achot le Grand Bagratouni est reconnu roi d'Arménie par le calife et l'empereur byzantin. Pendant deux siècles (Xe et XIe), la dynastie des Bagratides fera régner une paix et une prospérité jamais égalées. Ani devient en 961 la capitale de l'âge d'or arménien. Cette ville «aux cent palais et aux mille églises» va cependant être rasée par les Turcs seldjoukides en 1064. Petit à petit, la Grande Arménie indépendante disparaît.

Certains Arméniens s'exilent alors en Moldavie et en Hongrie, d'autres en plus grand nombre, sous la conduite du prince bagratide Rouben, s'installent en Cilicie qui devient en 1080 la Petite Arménie. Cette fondation coïncidant avec les premières croisades, les rois arméniens de Cilicie s'allient avec les croisés. Ils traitent même avec les Mongols contre les Turcs et les Arabes. Alors que la Grande Arménie passe sous la domination mongole (1236-1317), la dernière dynastie arménienne de Cilicie s'éteint en 1342.
Cette région revient à la famille française des Lusignan, régnant déjà sur l'île voisine de Chypre. Mais, sous les coups de boutoir des Égyptiens, Léon V de Lusignan perd son fief en 1375. Le destin de l'Arménie allait être divisé entre Turcs, Perses et Russes. Au XVème siècle, l'Arménie est occupée par les Ottomans qui lui laissent un certain degré d'autonomie entériné par le pacte de l'Aman en 1461. En 1555, 1620, 1639 et 1746, le pays est sans cesse divisé: l'Ouest à la Sublime Porte, l'Est aux Perses. Au XVIIe siècle, les Arméniens chrétiens commencent à demander de l'aide à l'Occident: Rome, la France, la Bavière, la Russie. Devant l'échec des missions des notables Khatchadour et d'Ori, un prince arménien du Karabagh, Tavit Beg, se lance dans l'insurrection. Il ne succombe qu'après huit ans de lutte (1722-1730).

En 1801, les Russes font leur apparition dans le Caucase. La Géorgie est occupée, puis le Nakhitchevan en 1808, le Karabagh et le Kantzak en 1813. En 1828, les territoires arméniens sont unis à la Russie sous le nom d'Armianskaia Oblast. Après avoir écrasé les Perses, le tsar Nicolas Ier fait de même avec les Ottomans. Mais lors du traité d'Andrinople, le 14 septembre 1829, l'Angleterre oblige la Russie à rendre les provinces d'Erzeroum, Kars et Ardahan à l'Empire ottoman déjà confronté à l'insurrection grecque (1821-1830). Désormais, l'histoire de l'Arménie sera indissolublement liée à la compétition engagée entre la France, le Royaume-Uni et la Russie pour le contrôle des mers chaudes et de leurs accès.
Laissant une forte autonomie à ses minorités, l'Empire ottoman se raidit de plus en plus au fur et à mesure de son déclin politique et économique. Désormais, les réformes appliquées aux minorités chrétiennes seront le fruit de la pression des grandes puissances. Cet état de fait étant vécu comme une humiliation par les musulmans de l'Empire, les minorités vont être en butte à nombre d'exactions, surtout en Anatolie orientale où règne une certaine anarchie. Pour éviter les massacres, les Arméniens de Zeïtoun sont obligés de prendre les armes en 1859 et en 1875.
Le 17 mars 1863, la Sublime Porte approuve la Constitution nationale arménienne, organisme élu réglant la vie de la communauté arménienne dans l'Empire ottoman. Mais il faudra attendre le traité de San Stefano (3 mars 1878) et le Congrès de Berlin (13 juin-13 juill. 1878) pour que la Turquie s'engage à appliquer les réformes dans ses six vilayets (provinces) arméniens. À l'issue de la guerre russo-turque de 1876-1878, la Bulgarie recouvre son indépendance, et le tsar occupe Batoum, Kars, Ardahan et Bayazid. L'article 16 du traité de San Stefano promet même l'autonomie aux Arméniens de l'Empire ottoman. Inquiète de l'avancée russe vers les mers chaudes, l'Angleterre réussit à obtenir la révision du traité de San Stefano au Congrès de Berlin. La Sublime Porte cède Chypre au Royaume-Uni en échange de son soutien contre la Russie. L'article 16 est remplacé par l'article 61. L'autonomie arménienne se transforme en une vague promesse de réformes administratives.

Loin d'appliquer ces réformes, Abdul-Hamid, le « Sultan rouge », décide au contraire de persécuter les Arméniens avant que ceux-ci n'obtiennent leur indépendance comme les Grecs et les Bulgares. À la même époque, en février 1885, la Russie ferme six cents écoles arméniennes dans le Caucase. La communauté commence alors à s'organiser politiquement, soit dans les Empires ottoman et russe, soit dans la diaspora. En 1881, les organisations secrètes Défense de la patrie et Union des patriotes sont créées, respectivement à Erzeroum et à Moscou. En 1885, c'est au tour du Parti des Arménakan à Van et à Marseille, puis du Parti social démocrate Hentchak à Genève en 1887 et, enfin, de la Fédération révolutionnaire arménienne Dachnak à Tiflis en 1890. La Porte ne tarde pas à réagir et, en août 1894, l'armée ottomane massacre les habitants de Sassoun (actuellement Samsun). Les pogroms reprennent dans toute l'Anatolie orientale de l'automne de 1895 au printemps de 1896. Plus de 150 000 Arméniens auraient alors péri. En revanche, à Van et à Zeïtoun, ils repoussent les Turcs lors de violents combats. Le 26 août 1896, le parti Dachnak décide de forcer les grandes puissances à faire appliquer l'article 61 au Congrès de Berlin. Ce jour-là, un commando de vingt-six militants occupe la Banque ottomane de Constantinople et réalise ainsi le premier acte de terrorisme publicitaire contemporain. En réaction, la populace turque massacre 7 000 Arméniens sous les yeux des diplomates occidentaux en poste dans la capitale. Les chancelleries, tout comme les Arméniens, comprennent alors que la politique de réformes est vouée à l'échec.

La révolution jeune-turque et l'avènement du comité Union et Progrès en juillet 1908 sont donc unanimement salués. Dans la foulée, la constitution est rétablie (23 juill. 1908) et le sultan Abdul-Hamid est déposé (13 avr. 1909). Mais la joie a été de courte durée. Le 1er avril 1909, près de 20 000 Arméniens sont massacrés à Adana. Les Jeunes-Turcs instaurent une politique de «turquisation intransigeante» à mesure que l'Empire ottoman se désagrège: occupation italienne de la Tripolitaine en 1911 et guerres balkaniques en 1912-1913.
La Délégation nationale arménienne et le Bureau national arménien font alors pression sur les chancelleries, et la Russie finit par obtenir de Londres et de Paris la modification des articles du Congrès de Berlin relatifs à l'Arménie ottomane. En juillet 1914, deux inspecteurs généraux, norvégien et hollandais, doivent superviser les réformes dans les vilayets arméniens. La Première Guerre mondiale ne leur en laissera pas le temps, d'autant que l'Empire ottoman déclare la guerre à l'Entente le 1er novembre 1914.

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